lundi 20 avril 2020

Du temps passé à travailler

— Spontanément, à la question du temps consacré au travail durant toute une vie, que répondriez-vous en pourcentage? 

 

L’allongement de la vie, ainsi que celui des études, et les évolutions sur les durées de travail hebdomadaire, des congés et des temps de repos, ont largement contribué et continuent de modifier de manière significative ce pourcentage. Voici donc le chiffre en question : 12 %, c’est le temps que nous passons à travailler dans notre vie[1]

 

Êtes-vous étonné ? Je l’ai été.

 

Ce chiffre nous interpelle, car il ne traduit rien de notre réalité, nous semble-t-il. Même s’ils relativisent nos agacements, notre fatigue voire plus encore ; notre travail nous accapare, de fait, bien plus cela. L’effort consacré pendant ces 35 à 38 heures hebdomadaires qui sont la norme en France et durant ces années d’activité est bien plus imposant que voudrait le laisser paraître ce pourcentage. Un peu comme la température annoncée par la météo, il y a une différence très significative avec celle que nous pouvons ressentir. 

 

Chacun de nous trouvera ses propres raisons pour rationaliser ce décalage de perception. À coup sûr, il existe de grandes disparités. Entrepreneurs passionnés, cette notion de temps nous importe peu, nous ne le mesurons jamais vraiment, pas plus que nos nuits insomniaques. À quoi cela servirait-il d’en dresser un inventaire comme une gloriole ou une servitude subie ?

 

Mais que ce soit 12, 15, 20 % ou plus, nous passerons à coup sûr moins de temps au travail que nos parents et beaucoup moins que nos grands-parents. Ce qui nous préoccupe aujourd’hui et qui modifie considérablement notre sentiment, c’est cette partie intangible qui agit de manière très forte sur notre tangible quotidien. Cet écart de ressenti, nous le vivons chaque jour au sein de nos entreprises. Nous ne voyons pas tous la même chose. Nos filtres personnels tamisent, voire modifient, ce que nous ressentons et ce que nous entendons. Comme le cinquième accord toltèque[2] nous y invite : ayons le doute, soyons sceptiques. Oui, quelque soit notre rôle dans nos entreprises de vie, nous sommes manipulés par notre cerveau, “à l’insu de notre plein gré “[3].   

 

La confiance en l’entreprise passe par une prise de conscience de ce qui nous anime en notre intérieur, de ce qui nous fait bouger et de ce qui pourrait nous faire bouger, de ce potentiel de forces intangibles souvent insoupçonnées. Nous avons besoin de passion, pas de pression, pour avancer et profiter au mieux de ce temps consacré au travail et trouver l’équilibre avec nos vies personnelles. C’est bien là qu’est notre challenge. Il nous appartient de faire de ce temps-là une œuvre unique, rayonnante et harmonieuse.

 

C’est cette voie de l’équilibre, certes instable entre les deux pôles de nos vies professionnelles et personnelles, qui agitent et rythment nos quotidiens.



[1] Le temps de travail était de 70% sous la troisième République et 40% au début du 20ème siècle.

[2] Les 5 accords Toltèques – La voie de la liberté personnelle – Don Miguel Ruiz.

[3] Les guignols de l’info et l’expression prêtée à Richard Virenque



lundi 6 avril 2020

Engagement

Revenons à ces hommes et femmes qui animent ces 99 % d’entreprises françaises et qui tentent de mettre en œuvre leurs compétences et capacités pour le meilleur de leur organisation et d’eux-mêmes, dans l’objectif d’accomplir la mission que cette dernière s’est fixée.

 

Vous souriez, et vous dites : voilà bien une conception utopiste. Oui ! Les entrepreneurs en vie assument leur utopie. «Une utopie est une réalité en puissance», suggère Édouard Herriot[1] ; ils ont la faiblesse d’y croire aussi.

Pourquoi notre sentiment à propos de l’engagement des salariés, quel que soit leur rôle, n’est-il pas celui d’un groupe d’hommes et de femmes engagés ?

 

Est-ce fondé ?

 

Si nous nous en référons à l’étude Gallup qui ressurgit comme un serpent de mer et qui affole ou rassure les dirigeants d’entreprises, on comprend que notre sentiment est peut-être fondé. En effet, cette étude ne cesse de nous annoncer qu’en France nous sommes les champions du monde avec seulement 6 % de salariés engagés. Je ne vous parle pas de ceux qui sont désengagés et encore moins de ceux qui sont désengagés activement ; qui rament à l’envers en quelque sorte. Ou comme je l’ai entendu : «moi je ne viens jamais avec mes baskets à l’envers au boulot, ce n’est pas le cas de tous!».

 

Mon optimisme s’allie à mon scepticisme pour vous associer, au résultat de Gallup, le chiffre que cette Société française « Diagnostic Management[2] » nous propose. Cette organisation, au travers de ses réponses aux diagnostics orientés notamment sur la qualité du management, collecte un nombre d’informations important et selon eux donc, à la question, oh combien engageante :

 

« Pouvez-vous projeter, imaginer votre avenir dans l’entreprise » ?

 

Ils sont 49 % à répondre positivement et 52 % à apprécier l’atmosphère du management de leur entreprise[3]. Ce n’est pas parfait certes, mais il nous offre à minima, une autre perspective qui enrichit celle de Gallup. Quelle que soit notre appréciation, il nous est impossible de nier que le management est d’une grande complexité. Nous devons nous convaincre que nos efforts doivent être continus et remis en cause perpétuellement : c’est l’engagement du manager.

 

Le management et la posture qui en découle sont en équilibre permanent entre un jeu d’ambiguïtés et un océan de questions, au milieu d’un chaos qui peut paraître incompréhensible.

 

Comme un marin qui chercherait en vain à résister au roulis incessant de son embarcation, nous ne pouvons ignorer ces mouvements et devons même les accepter, vivre avec. En cherchant à éviter cette agitation quotidienne, nous augmentons seulement le temps nécessaire pour se laisser porter par cet étrange mouvement naturel que la vie nous offre. Avoir le « pied marin » n’est pas inné ni définitif, la perte de cette souplesse confortable, le mal de mer  en quelque sorte, est un signal pour se remettre dans le rythme des vagues. Mais revenons un instant sur l’engagement.

 

Au cours d’une vie professionnelle, nous pouvons avoir l’opportunité de changer plusieurs fois de métier ou de rôle dans notre environnement entrepreneurial. Et même si nous ne choisissons pas toujours ni le timing ni le programme, nous gardons la passion nécessaire à la voie du sens. Voilà l’une des sources principales qui nous guident pour entretenir passion et motivation au quotidien : le SENS. Son absence signifie l’oubli de prise en compte de la finalité de son entreprise ou de son projet : c’est une invitation à aller le chercher ailleurs pour ses contributeurs. Souvent, nous tergiversons, nous marchandons avec nous même ; parfois même, nous tentons de dénier cette direction que nous montre la vie avec insistance. Au fil des jours, l’accepter, c’est autoriser le Sens à surgir. Avoir confiance. N’en est-il pas de même au sein de nos entreprises ? 

 

Que nous soyons dirigeants, collaborateurs, ouvriers, nous avons tous le même devoir qui consiste à clarifier notre voie, pour nous et pour ceux qui nous entourent. Que nous soyons parmi les 6 % d’engagés ou les 49 % avec nos rêves de se réaliser dans nos entreprises, nous pouvons faire en sorte d’embarquer avec nous ceux qui cherchent encore, et qui au passage ne manqueront pas de nous aider à continuer notre croissance ; c’est du gagnant-gagnant à coup sûr.

 

Avoir à cœur de prendre soin de son environnement est une voie pour mieux valoriser son engagement. C’est à dire, entretenir son relationnel avec bienveillance, que ce soit ses pairs, ou tous les tiers qui transitent autour de notre organisation. Notre besoin de relationnel authentique est presque aussi vital que notre respiration. Ainsi, lorsque vous avez les voies nasales obstruées, naturellement vous respirez par la bouche, car vous avez un absolu besoin d’air. Ce n’est pas très confortable, c’est dérangeant, parfois bruyant et nous en perdons le souffle ; sans évoquer tous les autres effets secondaires.

 

Il en est de même avec nos relations, si le lien est sensiblement limité, voire obstrué, nous mettons en place une stratégie de remplacement. Elle permet de répondre sommairement à notre tendance grégaire sans pour autant être efficace, a fortiori efficiente. Prendre conscience de ce besoin de lien et en prendre soin est le préambule pour commencer à agir. C’est l’un des fondamentaux vitaux pour que nos entreprises restent en vie. Soigner nos relations professionnelles et personnelles c’est reconnaître et accepter le rythme de chacun, à commencer par le nôtre.

 

En conclusion, s’engager commence peut-être par se donner la permission de décupler le sens qui nous anime individuellement et profondément.



[1] Homme d’état français, ministre sous la IIIe et la IVe République. 

[2] Diagnostic Management. https://lediag.net

[3] Questionnaire réalisé auprès de + de 2400 organisations dont 1767 entreprises.